HOMME, RUTH FRANCKEN
Le siège-sculpture Homme dépasse - tout en les mêlant - les concepts d’objet fonctionnel et de sculpture.
La partie siège directement moulée sur le corps d’un ami dans une matière synthétique et industrielle pose d’emblée la question de la relation entre l’artisanat et le produit manufacturé.
Par ailleurs, cette silhouette masculine sans tête ni visage - quasiment sans personnalité - fait du corps masculin un produit de masse fonctionnel dont on dispose à l’envi. Or, c’est justement le point de vue qui est souvent adopté dans les publicités sexistes à l’égard des femmes de l’époque et que l’artiste entend ainsi dénoncer. Le début des années 60 se caractérise en effet par de nombreux mouvements solidaires où l’on prône l’égalité, la lutte contre le racisme… et où l’on rêve d’une démocratie plus démocratique. Côté contestation, cette critique du système se révèle entre autres par un regain du féminisme qui appelle à la construction de nouveaux rapports sociaux entre les sexes et un droit des femmes de pouvoir avoir le contrôle de son corps, notamment à travers l’avortement et la contraception.
Dans les domaines des arts et du design, la plasticité du plastique permet l’émergence - notamment - d’objets anthropomorphiques qui présentent autant une diversité formelle qu’une technique révélatrice de la variété des intentions de leurs créateurs, comme un pied de nez à la standardisation… de l’image du corps.
La galerie Éric et Xiane Germain, située rue Guénégaud à Paris, a été un lieu d’accueil et de soutien pour les jeunes créateurs dans les années 1970-
Un des exemplaires de cette première édition a été destiné au roi du Maroc. Un autre au couturier Hubert de Givenchy. En 1985, une réédition par la galerie bruxelloise X + est décidée. L’édition initialement prévue en 300 exemplaires, en blanc et noir numérotés et signés, ne sera jamais réalisée dans son intégralité suite à un désaccord entre l’artiste et la galerie. Seul trente exemplaires semblent avoir été édités.
Née à Prague au sein d’une famille de confession juive, Ruth Francken [1924-2006] suit les siens en exil pour se rendre d’abord à Vienne [1924-1937], puis à Paris [1937-1939] avant de se rendre en Angleterre lors de l’entrée en guerre de la France. C’est à oxford qu’elle fait la rencontre du peintre Arthur Segal dont elle suit les cours quelques mois. Elle emmigre rapidement aux Etats-unis et vit à New-York [1940-1950] où elle obtient la nationalité américaine pour, en 1952, revenir d’installer à Paris. Cette première partie de sa vie est donc marquée par le déracinnement, l’errance ainsi qu’une frustration vis-à-vis de la peinture. A Paris, son travail s’associe à l’art informel, mais son insatisfaction à l’égard du modèle de l’expressionnisme abstrait et de ses propres peintures l’amènent à abandonner ce médium en 1964. Lors d’un séjour à Berlin, après avoir obtenu une bourse, elle s’initie à la sculpture en y associant un caractère indistriel par l’emploi du métal, créant ainsi des oeuvres à la frontière entre peinture et sculpture. Son travail de 1967 au début des années 1970 est ainsi marqué par une obsession de la technologie qu’elle développe dans sa série de reliefs photo-métalliques et de collages. L’incorporation d’objets industriels dans sa pratique l’associe à des artistes pop, malgré son désir d’échapper à toute catégorisation; son intérêt premier pour le langage industriel se trouvant dans sa relation conflictuelle à l’art. C’est ainsi qu’en 1971, elle en arrive à réaliser le siège-sculpture homme qui dépasse - tout en les mêlant - les concepts d’objet fonctionnel et de sculpture.
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